Les Trance de l'APAP
Le Mont-Mou, 0h00. Les soirées télé touchent à leur fin, une petite pluie berce la nuit, et du fond d'un terrain isolé, une sourde cadence occupe le silence.
La soirée de l'APAP a commencé depuis déjà quatre heures, et les danseurs arrivent à peine par petits convois, accueillis par les basses nerveuses de la Trance.
Une rivière passée sur un pont de fortune, l'entrée tenue par les membres de l'association, et le site se dévoile, tendu de bâches. Face à la cabine, des couvertures posées au sol isolent la piste de la boue. Un feu ceint de bancs accueille ceux qui seraient déjà fatigués. Plus loin, un nakamal propose le kava et une buvette assure les obligés désaltèrements, uniquement à base de boissons hygiéniques.
... do you enjoy the ride ...
Aux platines, la DJette australienne Jeannie, toute sourire, a imposé un tempo accéléré, et nous emmène dans une chevauchée fantastique entre mélodies sombres et explosions joyeuses. Puis le rythme se dompte, revient au pas, s'arrête presque, une mélopée hypnotique reste seule sur la platine, narguant les danseurs par sa lenteur, assez pour que les premiers breaks annonçant une inexorable remontée fassent réagir la piste. Le rythme se cabre une dernière fois, Djette Jeannie trompe une dernière fois le parterre, et vient enfin l'explosion de son, gonflée par les cris et les sifflements. La course peut reprendre comme si elle n'avait cessé, plus rapide et plus forte.
Elle poursuivra ainsi un long moment, jouant avec le public et le sourire, pour nous offrir une Trance chaleureuse et sensuelle, qu'elle n'hésite pas à agrémenter de guitares rock 'n roll.
La piste est maintenant pleine des quelques centaines de personnes que la pluie n'a pas rebuté. La fête bat son plein à en juger par les déhanchements syncopés, et une pure énergie anime les corps. L'aube est encore loin.
En retrait, une jongleuse a allumé ses bolas et déchire les ombres de ses flammes, reproduisant à bout de chaînes la cadence endiablée.
De ci de là, au gré des accalmies, des groupes se posent dans un coin, le temps d'accorder un répit à leurs membres éreintés.
... wake up ...
DJ Ryo prend alors la relève aux platines, manifestement décidé à poursuivre ce rythme effréné.
Cette fois c'est un cheval de fer que nous chevauchons, froid et précis. Le galop est le même, le voyage technoïde.
La où sa consoeur servait la chaleur et les instincts, le DJ japonais témoigne de plus de technicité, posant un son inexorable qui travaille les tripes physiquement, les tenant au bout de ses doigts en marionnettiste musical.
Le groupe électronège déclarera forfait en plein set, trop sollicité, trop d'humidité, allez savoir, interrompant abruptement la prestation.
Pourtant, une fois le courant revenu, c'est avec une hargne renouvellée que le jeune japonais reprendra sa performance. Et si l'interruption avait inquiété certains, les corps ne résistent guère à la reprise, à en oublier que la musique s'est arrêtée.
Les premières lueurs du jour glissent timidement un regard sur ces frénétiques en transe alors que la main passe.
... now you go and sleep ...
Entre en scène un DJ que je serais bien en peine d'identifier (DJ Nova, si tu nous entends)[DJ Sprouts, donc, Dj Nova assurant le pont entre les deux journées]. Il offre aux derniers acharnés un son saturés en infrabasses, un son pressé, presque colérique, un grand cri en direction du ciel morose.
Sur la piste, les visages se découvrent et les jambes maculées de boue se dévoilent. L'abri de la nuit effacé, les timides ont disparu, et les danseurs forment le dernier carré, celui qui ne s'arrêtera de vibrer qu'à la dernière note.
La fête n'est pas finie ...
[A confirmer : l'APAP redonne une soirée ce vendredi, dans les mêmes conditions, dans l'espoir que le ciel soit plus clément, pour ceux qui n'auront pu ou osé assister à celle-ci]
photographie : Rasskass Rouge